MISE AU POINT GRITAC (GROUPE DE REFLEXION POUR L’INTEGRITE TERRITORIALE DE L’ARCHIPEL DES COMORES )
Le 25 04 2007
M. Jacques ROMBI
N’est pas journaliste qui veut !
Moi qui suis encarté en France, à la Commission de la Carte du journaliste, j’ai bien conscience que l’objectivité, les sources fiables et surtout, la liberté d’opinion et d’expression ne sont pas de vains mots. Ils incarnent en revanche, si je vous ai bien lu, des valeurs que vous foulez aux pieds dans votre brûlot.
Certes nous appartenons au même pays, la France et exerçons la même profession, le journalisme. Et pourtant, j’ai le regret de dire que votre France n’est pas la mienne et votre façon de faire du journalisme est aux antipodes de ma conception. Cependant, je m’empresse de vous dire, qu’à l’instar d’une illustre personnalité, je n’aurais de cesse de me battre à fer émoulu, pour que vous puissiez exercer pleinement votre droit d’opinion et d’expression, pour peu que le débat d’idées ait droit de cité. Tout le contraire de votre démarche :
1. Le titre d’abord : "Mayotte, île comorienne depuis quand ?" Question pour le coup saugrenue, dans la mesure où en dépit des convulsions récurrentes dans la région, la nation comorienne a toujours été, et ce, avant le colonialisme français, une réalité historique, sous-tendue par les mêmes données géographiques, culturelles et économiques liées à la spécificité de l’archipel, confirmées par la tradition orale, les textes historiques et les sources les plus fiables. Réduire l’histoire des Comores à la colonisation, ce n’est pas seulement réducteur, c’est inepte et inexacte. Car la culture, la langue, la religion, le peuplement, les us et coutumes ne sont pas sortis comme ça spontanément du chapeau colonialiste. Tout cela est le résultat d’apports de populations venues d’horizons divers, et ce, bien avant l’arrivée des Français. Vous devez vous y faire, il y a bien eu une vie aux Comores (Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte), avant la colonisation. Et ce n’est pas se renier que le reconnaître.
2. Dans votre première assertion vous écrivez : "Il me semble pour le moins choquant d’adresser ce courrier au futur président de la République française émanant de nous, les Français originaires des Comores". En quoi le Français d’origine comorienne ou d’ailleurs italienne, portugaise...commettrait-il le crime de lèse-majesté en déclinant ses origines ? Si un rien vous choque, quel est votre sentiment sur les divers regroupements des métropolitains qui vivent en vase clos, bien loin de leurs compatriotes autochtones, aussi bien à Mayotte qu’à la Réunion, vos lieux de villégiature. Il ne faut pas avoir l’indignation sélective !
3. Vous poursuivez : "En choisissant d’être français, le moindre des respects pour votre pays est de ne pas mettre en doute son intégrité territoriale". Je ne partage absolument pas cet avis, car : - cela reviendrait à dire qu’à partir du moment où l’on est français, on est obligé de tout accepter, tout sacrifier sur l’autel de l’intégrité territoriale, y compris en violation de l’intégrité d’un autre pays, en foulant aux pieds les libertés démocratiques chères à mon pays, berceau des droits de l’Homme et en faisant fi des résolutions des instances internationales. Autant de forfaitures que la morale, les lois et les règles internationales réprouvent. - encore une fois, votre France, n’est pas la mienne. Et si j’ai fait le choix de cette France-là, celle des lumières, c’est pour vivre dans un pays démocratique et de liberté, en y apportant modestement ma petite contribution pour l’édification de la "Maison commune" qui fait de la tolérance, de la justice et de la paix son leitmotiv. Bien loin du pays totalitaire condescendant, paternaliste, en un mot colonialiste... que vous semblez appeler de vos vœux. Définitivement, je suis d’origine comorienne et ne vous en déplaise, je suis français. J’ai autant que vous des devoirs et des droits. Et j’entends en user et à en jouir pleinement.
4. Cela m’amène à parler de votre ton à la fois condescendant et méprisant à notre égard, nous "Français originaire des Comores". Sans chercher à relever les assertions désobligeantes et excessives, donc insignifiantes, lorsque vous écrivez : "Sauf que vous oubliez de le citer dans votre "article", les Comores n’ont d’indépendance que le statut politique, l’économie formelle et surtout informelle dépend encore de la France, premier partenaire commercial et premier pourvoyeur de transferts de fonds venant de la communauté que vous représentez (quelques 40 millions d’euros chaque année)". Désolé, mais vous oubliez à votre tour d’ajouter que les autorités de notre pays (que nous ne confondons pas avec le peuple français), pourvoient également des mercenaires français dont Bob Denard, des coups d’état clef en main et ne se gênent guère pour faire et défaire présidents et régimes politiques comoriens, en y perpétuant des campagnes de déstabilisation, avec la complicité agissante, je vous le concède, des hommes liges comoriens, qu’elles ont pris soin de mettre en place. A ce titre, je me permets de vous signaler que nos associations ont toujours été les premières à condamner la politique de mendicité, de connivence et de compromission poursuivie par les gouvernements comoriens successifs, qui ont plus brillé par leur asservissement que par leur patriotisme. Dans un cas, comme dans l’autre, corrupteurs et corrompus sont à mon sens, également condamnables. Quant à votre numéro de contorsionniste pour justifier la légitimation erronée par les urnes, de l’occupation illégale de l’île comorienne de Mayotte, je vous oppose la fin de non recevoir de la Communauté internationale, dont celle de l’ONU, qui dans sa résolution du 21/10/1975 : « 1. condamne les référendums du 8 février et du 11 avril 1976, organisés dans l’île comorienne de Mayotte par le gouvernement français et les considère comme nuls et non avenus, et rejette : a) toute autre forme de référendum ou consultation qui pourraient être organisés ultérieurement en territoire comorien de Mayotte. b) toute législation étrangère tendant à légaliser une quelconque présence coloniale française en territoire comorien de Mayotte. 2. condamne énergiquement la présence française à Mayotte, qui constitue une violation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores ». Du reste, M. Jacques Chirac, n’a-il pas dit le 23 mars 2005, au sommet de Bruxelles, à propos de la présence syrienne au Liban : « On ne peut pas imaginer que des élections se passent sur un territoire occupé ».
5. Quand vous dites péremptoirement : "Il n’y a jamais eu d’unité comorienne", vous vous fourvoyez Monsieur. Et en participant au battage médiatique et aux campagnes de désinformation et de falsification de l’histoire des Comores, instrumentalisé à Mayotte par les tenants de la politique intense de décomorianisation, vous ne faîtes honneur ni à votre profession (journaliste), ni à votre pays (la France). Dans la mesure où, ni la fameuse thèse sur "Mayotte peuplée de catholiques malgaches sakalava", ni l’histoire maquillée de l’usurpateur Andriantsouli, ni les prétendues "sources historiques formelles"... tout cela est battu en brèche, depuis l’ouverture des archives coloniales et la production d’œuvres scientifiques de nouveaux chercheurs et historiens plus informés et plus au faîte des événements historiques, et qui ne souffrent aucune contestation. Vous semblez ignorer que les Comores (la Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte) ont en partage : - le même peuplement, sans entité raciale, ni morphologique, encore moins d’attaches tribales ou ethniques, induites par un brassage de populations de cultures et de civilisations diverses et variées, à différentes époques. - la même langue courante apparentée au swahili, parlée d’un bout à l’autre de l’archipel, avec heureusement, des petites particularités propres à chaque île, qui ne nuisent en rien à la communication. - la même religion musulmane, de même rite shaféite et de la même école sunnite, pratiquée dans la tolérance par l’écrasante majorité des Comoriens. - la même histoire faite d’événements intimement imbriqués, portée avant même la colonisation, par une sorte de fédération de systèmes politiques de chefferies et de sultanats sous l’arbitrage de l’île d’Anjouan. Le tout régi par un droit de libre circulation des biens et des personnes, proscrit aujourd’hui par le tristement célèbre "Visa Balladur" génocidaire. A dire vrai, reconnaissez qu’il y a plus de connexités entre Comoriens (de la Grande Comore, de Mohéli, d’Anjouan et de Mayotte), qu’il n’y a entre Corse, Basque, Breton etc.
6. Vous avez dit "révisionniste", voire même "révisionniste historique" et surtout "Comoriens maîtres dans l’art du double langage (vivant en France mais dénonçant sa présence aux Comores)", "esprits chagrins", "esprit panafricaniste nauséabond". On se calme ! Permettez-moi néanmoins de vous dire que tant d’amalgames et de mots employés à l’emporte pièce à contre sens et surtout à contre emplois, ne peuvent être qu’attentatoire à votre crédibilité. J’ai tendance à croire qu’à bout d’arguments vous préférez vous complaire dans l’invective.
En ce qui me concerne, jouissant de ma liberté d’expression, dans le pays des droits de l’Homme, j’affirme haut et fort et avec moi, la Communauté et les instances internationales, dont l’ONU (Organisation des Nations Unies), l’UE (Union Européenne), l’UA (Union Africaine), la Ligue Arabe etc. que "l’occupation par la France de l’île comorienne de Mayotte est illégale", pour parodier Michel Rocard, dernière personnalité politique française à se prononcer là-dessus.
Souffrez donc Monsieur, que le droit d’expression, une valeur sûre, à caractère universel, s’exerce partout. Y compris à la Réunion, dans le périodique "Témoignage". Souffrez que les associations de la société civile, à l’origine de cette lettre aux candidats, exercent leur droit d’opinion et d’expression partout ou besoin se fait sentir. S’agissant de la région qui nous intéresse, mon association le GRITAC ((Groupe de Réflexion pour l’Intégrité Territoire de l’Archipel des Comores), ne s’est pas gênée - pour condamner fermement en 2005, les propos fulminants du ministre français de l’Outre-mer de l’époque, François Barboin, en faveur d’une remise en cause exclusive du droit du sol français, en terre comorienne de Mayotte. Propos qui, à juste titre, en leur temps ont provoqué l’ire d’une grande partie de la classe politique et des associations des droits de l’Homme, aussi bien à Mayotte, à la Réunion qu’en France. - pour condamner surtout, le marquage à l’ADN proposé par Ibrahim Dindar, président réunonais de l’UCL (Union Centrale Libérale), pour dit-il, confondre ce qu’il appelle avec mépris, des « trafiquants de paternités », en terre comorienne de Mayotte. Il n’en a fallu pas plus pour pousser le millier de défenseurs des droits de l’Homme (français et comoriens) et de courageux « sans papiers », à arpenter ce mercredi 28 septembre 2005, les rues de Mamoudzou, en criant leur raz le bol, avec tous les risques que cela suppose, quadrillés par la cohorte de gendarmes français armés jusqu’aux dents. Un raz le bol amplifié le même jour, dans les rues de Saint-Denis de la Réunion, par la surenchère raciste et xénophobe d’Ibrahim Dindar qui a provoqué l’indignation de toute la communauté comorienne, Mayotte comprise.
Le GRITAC tient à rendre hommage à l’ensemble des originaires des Comores, toutes nationalités confondues, pour leur engagement dans cette lutte, pour l’intégration de Mayotte dans son ensemble naturel. Sans oublier les nombreuses personnalités locales qui, à la Réunion à l’instar de Mohamed Maoihibou, président de la Maison des Comores, Maître Larifou, Samuel Mouen, se disant représentant des Africains et des malgaches à la Réunion, lancent ce mouvement de protestation, auxquelles se sont jointes des personnalités françaises de la Réunion comme Elie Hoarau, Huguette Bello, Gélita Hoarau, Sudel Fuma, Alain Zaneguy, Jean-Pierre Espéret etc. Etant entendu que le plus vibrant des hommages, revient de plein droit aux résidants de Mayotte, opposés à la politique d’occupation de la France. En plus des personnalités attachantes que sont Isabelle, Youssouf Moussa... qui avec abnégation et persévérance, font de l’entente, du rapprochement et de la solidarité entre insulaires de l’archipel, un vrai sacerdoce, il convient de mentionner l’esprit de tolérance du maire de Koungou, M. Saïd Ahamadai, la seule personnalité politique mahoraise à s’opposer ouvertement à « la politique d’exclusion des Comoriens ». Sans oublier de citer Frédérique Hannequin, enseignante à Mayotte, qui écrit dans « Libération » du 27 septembre 2005 : « Merci à M. Baroin [...] Il a déclenché un nauséabond concert de louanges et de surenchères de la part d’une partie de l’ « élite » mahoraise trop contente de pouvoir accuser ses voisins (parfois frères et cousins) comoriens de tous les maux ! ».
On ne peut parler du contentieux franco-comorien sur Mayotte, sans citer André Oraison de l’Université de la Réunion, qui considère la départementalisation de Mayotte à l’orée 2010 comme « une nouvelle manœuvre de la France dirigée contre le peuple comorien, qui revendique Mayotte depuis son accession à l’indépendance le 6 juillet 1975 ». Non sans ajouter un tantinet rêveur : « Il faut espérer que les élites mahoraises auront eu le temps, d’ici là, de se convaincre elles-mêmes que le statut de DOM n’est pas la solution miracle aux maux dont souffrent les sociétés françaises ultramarines.. ». Nous citerons également, la quatrième de couverture de l’excellent « Comores-Mayotte : une histoire néocoloniale » de Pierre Caminade qui stipule : « En 1975, lors de la décolonisation des Comores, la France viole le droit international en arrachant Mayotte à son archipel. Condamnée plus de vingt fois par l’ONU, cette occupation reste illégale ».
Comme vous pouvez le voir, on peut être français et avoir un avis. On a le droit et je dirais même, le devoir de dénoncer, voire même de combattre les actes délictueux, les dérives et forfaitures de n’importe quel pays et à fortiori, le nôtre. Face à cette logique de la politique du fait accompli et de la raison du plus fort, les défenseurs de l’honneur et de la grandeur du Pays des droits de l’Homme que nous sommes, n’avons à opposer que l’argument du bon droit et la force des lois, garanti et couvert par la Communauté internationale. Il serait à notre avis conforme à la stature et à l’image de la France, berceau des droits de l’Homme et de surcroît, membre permanent du Conseil de sécurité, de se conformer enfin, aux résolutions de l’ONU et d’engager pour de bon, des négociations avec la partie comorienne, en vue d’établir une feuille de route, au mieux des intérêts de tous, avec comme finalité le retour de Mayotte dans son ensemble naturel. La France doit pour cela œuvrer, non en attisant les ressentiments et les divisions, mais en favorisant l’entente, le rapprochement et la solidarité entre Comoriens des 4 îles. Et la levée du "Visa Balladur" criminogène est un préalable.
Pour le GRITAC (Groupe de Réflexion pour l’Intégrité Territoire de l’Archipel des Comores), SAID HASSANE Jaffar (Journaliste et membre du GRITAC) E-mail : gritac_2000@yahoo.fr
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